samedi 4 mai 2013

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Trois membres du Musher Club Suisse étaient sur la ligne de départ de la Polar Distans -160km ce début mars... Carole, la Polar, elle l'a déjà faite l'année passée...comme handler. Cette année, elle est musher ! Alors... moins de stress sur le traîneau qu'au checkpoint ?


Polardistans 2013
Par Carole

 

Cette année c’est mon tour ! L’année passée j’ai vécu cette course en tant que handler et depuis tout ce dont je rêve c’est de pouvoir la vivre moi-même, pour de vrai.

Je me retrouve donc ce mercredi 6 mars sur la ligne de départ, c’est moi qui tiens le « volant ». Evidemment je me demande ce que je fais là ! Quelle idée, alors que je pourrais être tranquillement handler et laisser Patrick partir, je vais devoir gérer ces 160 km comme une grande et tout d’un coup je me sens toute petite, presque incapable. Mais voilà c’est l’heure, trois –deux-un les chiens décollent et mes doutent s’envolent. Le temps est gris et chaud mais la piste est dure, ils partent bien mes six héros, ils mordent dans la piste avec rage et moi je me sens invincible au volant de mon traîneau.

Au km 15 je dépasse facilement l’attelage parti avant moi, par contre il reste longtemps cent mètres derrière, j’ai la hargne, je cours toutes les montées pour le lâcher jusqu'à ce qu’enfin je ne le voie plus. Je me retrouve de nouveau seule avec mes chiens. Pour moi il n’y a rien de meilleur que la solitude juste avec eux. On est sept mais on ne fait qu’un et le sentiment de notre force ne fait que d’augmenter au fil des kilomètres.

On attaque maintenant la montée qui nous mène dans les Fjälls. Sur la piste je dépasse des hommes et des femmes, les pulka-istes, avec entre un et quatre chiens et une pulka. A chaque fois je leur lance un mot d’encouragement car ces gens forcent l’admiration, à ski de fond sur des pistes de motoneiges, certains partis pour 300 km, eux vivent une vraie aventure !

Les chiens montent bien et rapidement on se retrouve au milieu des Fjälls, la météo est bonne, il n’y a quasiment pas de vent, c’est tellement beau là-haut ! Je prends  le temps de faire quelques photos. C’est bien beau de pousser mais garder un petit souvenir de ce moment ce serait bien aussi !

Au km 60 je m’arrête pour le deuxième snack, tout le monde mange bien, le moral est bon. On vient de se taper les dévers mais maintenant c’est fini, ouf ! Car tenir un traîneau chargé de 25 kilos de matériel ça n’a rien à voir avec un traîneau vide ! Je n’arrive tout simplement pas à le mettre sur un patin, je dévale en bas la piste et les chiens se retournent : mais enfin qu’est-ce que tu fous ? on est pas là pour faire joujou , veux-tu bien conduire comme il faut ! J’y mets toute ma force et mon dos se révolte fortement, mais y a rien à faire je m’échoue lamentablement dans la grosse.

Je profite du snack pour passer Albert en lead, en échange de Belinda, qui relâche devant mais travaille fort en swing. En repartant je vois apparaître un attelage derrière moi, il va vite ! Mais il s’arrête pour snacker au même endroit que moi, je vais donc avoir la paix encore quelques minutes. Puis il réapparaît et dans la nuit qui tombe la seule chose que je vois c’est que ces chiens portent des booties roses ! C’est donc Kenneth ! (j’imagine vraiment pas Pierre-Antoine mettre des booties roses à ses Boys ;-) !!! ça descend maintenant jusqu’au check-point, je freine bien pour ne  pas blesser les chiens et me dis qu’il va me dépasser. Mais non il reste tranquille, 200 mètres derrière moi, jusqu’au check-point des 75 km.

Et là mon inexpérience me tombe dessus radicalement ! Une fausse trace dans une croisée pas claire, 30 mètres avant le check-point et je rentre à l’envers ! Kenneth lui à bien le temps de voir que je me suis trompée et prend tout de suite la bonne piste. Moi je suis obligée de faire faire demi-tour à mon attelage, au milieu de plein de bénévoles qui s’agitent inutilement, pour pouvoir ressortir et aller faire les 40 mètres de piste que j’ai coupés ! Deuxième erreur : je leur dis que je veux m’arrêter deux minutes pour remettre des booties à Magic  (je les lui ai enlevées 10 kils plus tôt et depuis il ne tire plus). Du coup ils me parquent loin de la sortie et quand je veux repartir on m’affirme que je ne peux pas sortir sans signer !!!! Alors je demande : signer quoi ? …ben on sait pas !!

Entre temps Eveline Koch, musheuse sur la 300, arrive et rameute tous les bénévoles vers elle a grand cris ! Je me retrouve toute seule au milieu de cette agitation et je sais bien que sans l’aide de quelqu’un jamais je ne vais pouvoir traverser cette foule ! A tous les coups Arluk nous tirera tous à l’opposé vers le calme de la forêt !

Enfin j’aperçois Katarina, l'organisatrice, et je lui dis : je veux sortir ! D’un coup tout deviens facile, elle guide les chiens et nous laisse partir sans me demander de signer quoi que ce soit ! J’ai perdu 13 minutes dans l’aventure alors que j’avais prévu de ne pas m’arrêter !

La seule chose que je sais c’est que Kenneth est maintenant loin devant. Mais les chiens repartent au grand galop, ils ont déjà 75 km dans les pattes mais aucun signe de fatigue. La piste est un faux plat descendant sur 20km, je prends un énorme plaisir à les voir courir, ils relancent sans arrêt, le bonheur est sur la piste ! Puis commence la montée qui nous mènera au deuxième check-point. Patrick m’avait dit : ça monte un peu mais pas beaucoup. Pas beaucoup, pas beaucoup, je commence à cracher mes poumons à force de courir en me disant que « ça monte pas beaucoup ».  Les chiens ont un bon rythme et pour qu’ils ne le perdent pas dans les montées et bien il faut courir, pousser et encore courir. D’après mes calculs le check-point doit être dans 5-6 km au max …quand je dépasse  le panneau «Check-point 10km» ! Ça fout un coup au moral, depuis le temps que je leur dis : vous aller avoir droit à 56 min de pause, ont y est presque. Mais en réalité c’est bien plus moi qui ai besoin d’une pause que eux ! Enfin des lumières, nous y sommes, je vois Patrick qui m’attend et je lui dis : les chiens sont en super forme mais moi je n’en peu plus je veux scratcher.

Des bénévoles me guident jusqu'à ma place, je commence à soigner mes chiens et une voix m’apostrophe en français : c’est toi que je voyais juste derrière moi et que je n’arrivais pas à lâcher ! Il me faut quelques secondes pour comprendre, Pierre-Antoine m’a passée alors que je merdouillais dans le premier check-point, raison pour laquelle il est là avant moi mais que je ne l’ai jamais vu !! Autant dire que je suis contente de le voir …et aussi d’apprendre qu’il n’arrivait pas à me semer-;-)

Donc je snacke les chiens, je vrappe avec de la neige les cinq tendons qui risquent d'enfler et je masse les triceps de Belinda car elle a tendance à faire des crampes. Là je profite pour remercier Christine, car c'est grâce à elle que je sais exactement ce que je dois faire! Puis je vais leur chercher de l'eau et de la paille, enfin ils sont couchés et je peux m'occuper de moi. Boire et manger me fait du bien, je ne pense déjà plus du tout à scratcher, mon corps se repose un peu et l'énergie revient.

Les minutes passent et vient le moment ou je donne un coup de main à Pierre-Antoine pour repartir, je lui crie: rattrape-le! A ce moment je ne sais pas qu'Agneta est ressortie avant lui et qu'en effet il va la rattraper et la dépasser, quand à Kenneth il est loin devant, intouchable cette année.

C'est mon tour, les chiens sont mous quand je leur mets les booties et les rattachent, je me dis: ça va être dure Mais à mon signal, les six se lancent dans le harnais et on sort du check-point au galop, les chiens je vous aime!

La piste commence par monter assez longtemps, mais ça va tout seul, on avance bien. Sans le faire exprès je me retourne et là je vois la lumière d'une frontale pas très loin derrière. Ah non, il n'en est pas question, je veux pas me faire dépasser! Cette petite lumière décuple mes forces et je pousse aussi fort que je peux. Et puis la lumière se fait de plus en plus rare, bientôt je ne la vois plus du tout. Il faut dire que mes six gros malades, emmenés par un Albert fou, galopent encore et toujours.

Nous voilà de nouveau dans des Fjälls, la nuit est belle, on voit loin et j'aperçois  une lumière loin devant.. mais combien d'attelages sont devant moi? J'essaye de compter les traces sur la neige et j'en conclus qu'ils pourraient bien être cinq ou six. La fatigue brouille un peu le cerveau, j'ai de la peine à compter!

Depuis le sommet des Fjälls il reste environ 30 km. Patrick ma dit: y a plus que de la descente, deux-trois petites bosses entre deux mais rien de bien méchant. Du coup je suis tout le temps en train de m'attendre à de belles descentes! Mais à part des faux-plats montants et des montées...

Le froid est venu avec la nuit, il fait maintenant environ -15 degrés, très agréable pour les chiens mais plus problématique pour mon eau. La bouteille que je porte dans ma veste est complètement gelée, je meurs de soif et j'ai faim aussi mais manger sans pouvoir boire après est pénible. Je me rends bien compte que je suis complètement déshydratée, j'ai bu moins d'un litre depuis plus de 10h que je cours derrière mon traineau. Je commence à me sentir mal, j'ai envie de vomir, mais les chiens galopent encore et encore, ils ont une telle force qu'ils me tiennent debout. Les derniers kilomètres sont interminables, jamais je n'aurais pensé que dix kils puissent être aussi longs.

Et puis enfin je vois les lumières de la petite ville de Särna et enfin ça descend pour de vrai! Il ne me reste plus que le lac à traverser puis une toute petite montée de l'autre côté et ce sera la ligne d'arrivée.

Quand le traîneau "atterrit" sur le lac je réalise qu'on est arrivé, toute la tension sort d'un coup et je crie ma joie dans la nuit! Je ne peux plus arrêter de crier et je chante à la gloire de mes chiens, j'ai l'impression de pleurer mais rien ne coule, il n'y a certainement plus assez d'eau dans mon corps pour produire des larmes ;-)

Durant ces quelques minutes qu'il nous faut pour traverser le lac je passe en revue mes troupes: Arluk, l'infatigable trotteur qui a tout fait pour ne pas que l'on voie qu'il a une tendinite! Merci Arluk! Belinda, petite chienne incroyable qui accélère dès qu'elle voit une montée ce qui nous permet de passer la plupart des bosses au grand galop. Merci Belinda! Albert, qui à couru plus de kils en lead sur cette course que dans tout le reste de sa vie, Albert qui a galopé les 163 km! Merci Albert! Mary, petit bout de nana qui est invisible car toujours appliquée! Merci Mary! Magic, qui malgré six semaines d'arrêt cet automne, a tenu jusqu'au bout de son trot aérien! Merci Magic!  ...et pour finir Swiky, ma Swiky, avec une tumeur à la mâchoire de plus en plus grosse, à l'entraînement tu as un peu galéré, mais dès les premiers mètres tu as engagé le "mode course" et je n'ai pas vu ton trait se relâcher une seule fois! Merci mille fois Swiky!

Et puis c'est la ligne d'arrivée, il y a du monde, d'autres attelages, mais à ce moment je ne vois qu'eux, mes chiens, ils sont tellement forts. Finalement je questionne quand même un peu Patrick pour savoir combien sont arrivés avant moi? ...je suis 4ème, partie avec seulement six chiens sur une course à huit, je suis juste beaucoup trop fière d'eux!

Carole
 
 

                                                        Le départ

                                                                Juste après le départ
 
                                                            Dans les Fjälls

                                                  Dans les Fjälls

                                                 A l'arrivée
 
Bravo aux braves, chiens et musheuse ! Et merci pour nous avoir partagé cette aventure.
Bons trails !



2 commentaires:

  1. J'adore... On s'y croirait....
    Presque l'impression de grimper les "pas longue" montées :)

    Bravo à vous 7...

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  2. Merci à tous pour vos superbes récits qui m'ont donné les larmes aux yeux tellement c'est authentique! Je sais ce que c'est d'être fière de ses chiens mais sur une longue distance ça doit être décuplé! Bravo à vous tous 2 et 4 pattes...

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